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  • Alexandra Gaboriau

Régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension:un débat politique houleux

Dernière mise à jour : 3 nov. 2023

“L’enjeu est trop important pour la nation pour faire de la politique politicienne”. C’est dans ces termes qu’il y a quinze jours le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, plantait le décor des discussions à venir au sujet du projet de loi immigration. Un appel du pied en direction des Républicains, qui - pour le moment - sont peu convaincus par le texte qui sera examiné sur les bancs du Sénat à partir du 6 novembre prochain. En effet, l’article 3 du texte visant à régulariser les sans-papiers travaillant dans des secteurs à fort besoin de main-d'œuvre fait figure de véritable pomme de discorde.


Présenté en Conseil des Ministres en février dernier, le projet de loi “pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration” devait démarrer son parcours législatif avant que le gouvernement soit contraint de surseoir en raison des émeutes provoquées par la mort du jeune Nahel au mois de juillet. Ce texte aborde des enjeux sensibles liés au travail, à l'intégration, à l'éloignement, et à l'asile. Plus spécifiquement sur le volet “travail”, le gouvernement envisage de régulariser les travailleurs sans-papiers exerçant des métiers en forte demande, tels que le BTP ou les services à domicile. Une nouvelle carte de séjour, appelée "travail dans des métiers en tension," est ainsi prévue pour faciliter leur statut et leur processus d’intégration. Celle-ci serait effective pour une durée d’un an « à titre expérimental » jusqu’au 31 décembre 2026.

"Du côté de la chambre haute, la pression est aussi au rendez-vous, et Gérald Darmanin en appelle au bon sens des sénateurs"

D’ores et déjà, cette mesure est au centre de nombreux désaccords. Selon Pierre-Henri Dumont, député LR du Pas-de-Calais, « Sur l’immigration, ce n’est pas LR le problème. Nous, on a posé nos mesures sur la table », ajoutant : « Le problème, ce sont leurs divisions internes. Le gouvernement sait qu’en sortant l’article 3, ils perdront la majorité dans leurs rangs ». En effet, au sein de l'aile gauche de Renaissance, une soixantaine d'élus, sous la houlette de Sacha Houlié, président de la commission des Lois, ont érigé la préservation de l'article 3 au rang de priorité. En parallèle, Naïma Moutchou, vice-présidente de l'Assemblée nationale et membre d'Horizons, a fermement critiqué cette mesure, la qualifiant d'un potentiel encouragement à l'immigration clandestine. Une déclaration qui fait écho à la position de la figure de proue des LR, le député niçois Eric Ciotti, qui a par ailleurs lancé dans la semaine une pétition en faveur d’un référendum sur l’immigration. Autre attaque, le chef des députés LR, Olivier Marleix, envisage de saisir la Cnil en raison de soupçons selon lesquels le Ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, collecterait des données sur les élus de droite sollicitant des régularisations pour des travailleurs sans-papiers.


Du côté de la chambre haute, la pression est aussi au rendez-vous, et Gérald Darmanin en appelle au bon sens des sénateurs : « Est-ce qu’on imagine un seul instant que la droite sénatoriale (...) va refuser de voter un texte parce que nous disons, (...) qu’on va pouvoir avoir en France, des gens qui travaillent dans nos restaurants et dans notre agriculture ? ». Le gouvernement pourra en tout cas s’appuyer sur le soutien du sénateur Hervé Marseille, nouvellement élu, Président du groupe Union centriste.


Alors que l’attentat d'Arras, commis par un individu étranger fiché S, a relancé les débats autour du projet de loi Immigration, ouvrant la voie à une surenchère politique, Olivier Dussopt, a adopté une position sans équivoque : “Il serait absolument terrible que des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement soient victimes d’un climat terroriste qui ne les concerne pas.” martelait-il, le 16 octobre dernier au micro de France Info. Et pour cause, le Ministre du travail espère résorber les tensions de recrutement que subissent de nombreux secteurs (BTP, aides à domicile, hôtellerie-restauration…) en s’appuyant d’une part sur la réforme du RSA et France Travail, mais aussi sur une main d’oeuvre étrangère, qui trop souvent exercent dans des conditions occultes qu’il convient de régulariser.


"le gouvernement semble pouvoir s’appuyer sur un courant porteur dans l’opinion"

À la veille de l’ouverture des débats parlementaires, oppositions et majorité présidentielle sont donc tiraillées, tant l’ambition du gouvernement semble ambivalente : trouver un équilibre entre le durcissement des expulsions de délinquants étrangers et la régularisation des travailleurs immigrés dans les métiers en tension. En tout état de cause, le gouvernement semble pouvoir s’appuyer sur un courant porteur dans l’opinion. Selon un sondage d’Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, près de 8 Français sur 10 connaissant le projet de loi immigration proposé par le gouvernement y sont favorables.


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