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Le dialogue social à l’épreuve des bas salaires ?


Une conférence sociale pour que “le travail paie mieux”, c’est l’objectif qui a été fixé par la Première ministre le 16 octobre dernier, en ouverture de la grand-messe consacrée aux bas salaires et aux carrières. Malgré un mantra maintes fois répété par le Président de la République depuis 2017 - “il faut que le travail paie plus” - un salarié français sur deux s’estime encore mal payé. Avec une inflation à 5,8% en 2023, la question du pouvoir d’achat des ménages est plus que jamais d’actualité.


Promise par le Président de la République aux chefs de partis rencontrés fin août, cette conférence devait en premier lieu adresser l’épineux sujet des bas salaires, mais aussi permettre de renouer le dialogue social avec les partenaires sociaux, mis à mal lors de la réforme des retraites.


Sous l’égide de la Première ministre, et en présence de 7 ministres et de 13 partenaires sociaux, la conférence était articulée autour de 4 axes : l’amélioration du pouvoir d’achat et des carrières via la négociation salariale, la situation des travailleurs pauvres, l’évaluation de l’impact des cotisations et prestations sociales sur les revenus, et le renforcement de l’égalité professionnelle. Parmi les mesures annoncées, des “explications” à venir avec les branches professionnelles dont les minima sont durablement inférieurs au SMIC, soit une dizaine de branches selon la Première ministre. Si les branches ne font pas de progrès significatifs en la matière d’ici au 1er juin 2024, le gouvernement proposera alors un projet de loi pour calculer les exonérations de cotisations sociales sur la base des minima de branche. Toujours au rang des concertations, un “acte 2 de la restructuration des branches sera lancé” en début d’année prochaine ; des fusions de branches pourront ainsi être envisagées à condition qu’elles permettent un progrès de la négociation collective. Sur le volet du temps partiel, c’est également une négociation interprofessionnelle qui est prévue par la Première ministre. En effet, 1,5 millions de salariés subissent actuellement un temps partiel, une situation jugée “incompréhensible” à l’heure où de nombreux employeurs ne parviennent pas à recruter. Pour y remédier, la formation constitue l’une des pistes avancées par l’exécutif. Elisabeth Borne a ainsi demandé aux partenaires sociaux “d’examiner la question du compte personnel de formation” pour ces salariés à temps partiel, qui jusqu’à présent voient leur CPF alimenté au prorata de leur temps de travail, créant une inégalité de fait avec les salariés à temps plein.


"1,5 millions de salariés subissent actuellement un temps partiel, une situation jugée “incompréhensible” à l’heure où de nombreux employeurs ne parviennent pas à recruter"

Enfin, sur le front crucial de l’égalité femmes-hommes, une révision de l’index égalité est proposée, afin de le rendre plus ambitieux, transparent et fiable. Le congé parental devrait lui aussi être repensé pour permettre un temps d’interruption choisi, mieux rémunéré, et partagé entre les parents. Aurore Bergé, nouvelle ministre des solidarités, avait suscité une levée de boucliers en annonçant cet été vouloir un congé “plus court mais mieux rémunéré”. La ministre s’est d’ailleurs saisie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, pour remettre le sujet sur la table des négociations. Elle envisage ainsi de réduire le congé à 4 mois pour chacun des parents, avec une indemnité proportionnelle au salaire. S’il peut paraître anecdotique au regard de l’ampleur du chantier de l’égalité femmes-hommes, une réforme du congé parental semble nécessaire à l’heure où seulement 1% des hommes y ont recours, contre 13% des femmes.


Afin de jauger de l’avancée des travaux de la conférence sociale, la cheffe du gouvernement a également annoncé la création d’un Haut-Conseil des rémunérations. Les modalités de ce nouvel organisme devront être définies, en lien avec les partenaires sociaux, dès le mois de décembre.


Sans remettre en cause le bien fondé de ces annonces, renvoyant pour la plupart aux branches professionnelles le soin de négocier, les mesures aux impacts visibles sur les fiches de paie des salariés manquent à l’appel. Si les partenaires sociaux soulignent des pistes intéressantes et un dialogue social renoué avec l’exécutif, ils pointent également un manque “d’éléments très concrets pour les travailleurs et les travailleuses”, par la voix de Marylise Léon, secrétaire confédérale de la CFDT. Pour Cyril Chabanier, Président de la CFTC, “on est loin du compte (...) parce qu’on n’a pas d’annonces concrètes qui vont directement agir et parler aux salariés”, même s’il salue la création d’un Haut-Conseil sur le revenu. Sans surprise, la CGT estime que “ces annonces ne sont pas du tout au niveau de l’urgence sociale et économique”. Même son de cloche du côté de FO, dont le secrétaire général s’interroge sur la création d’un “machin supplémentaire”, à travers le Haut-Conseil des rémunérations. Le MEDEF semble pour sa part y trouver son compte, son Président indiquant “tout cela (...) paraît de bon sens, et aller dans le bon sens”.


"la cheffe du gouvernement a également annoncé la création d’un Haut-Conseil des rémunérations"

Si le gouvernement semble avoir retrouvé la voie de la négociation sociale à l’occasion de ce nouveau rendez-vous avec les partenaires sociaux, la traduction tangible des intentions affichées se fait attendre. A l’heure où un français sur deux affirme que son pouvoir d’achat répond tout juste à ses besoins essentiels, ou qu’il n’y répond pas, les échéances de négociations annoncées par la Première ministre ne sauraient résoudre à court terme les difficultés immédiates des Français à boucler leurs fins de mois.

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