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  • Corentin Dattin

L'Édito "Compétences" - semaine du 22 mai 2023

Climat et emploi : le défi de la transition


Pendant que l’exécutif et les groupes parlementaires s’écharpent au sujet du règlement de l’Assemblée nationale pour décider du sort de l’épineuse proposition de loi abrogeant la réforme des retraites, qui doit être examinée le 8 juin prochain, un nouveau cailloux s’est glissé dans la chaussure du gouvernement cette semaine : le rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry sur “les incidences économiques de l’action pour le climat”.


Remis lundi à la Première ministre, ce rapport a immédiatement provoqué de nouvelles tensions entre Bruno Le Maire et ses collègues du gouvernement. Soutenant la proposition de Jean Pisani-Ferry de créer un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier des Français les plus aisés pour financer l’adaptation aux objectifs environnementaux, Christophe Béchu a rapidement été contredit par le ministre de l’Économie, écartant toute augmentation d’impôt au cours du quinquennat. Bruno Le Maire, qui avait déjà semé le trouble il y a quelques semaines en annonçant, à la surprise générale, un reste à charge de 30% sur le CPF, sonne de manière claire la fin du “quoi qu’il en coûte”, au risque d’envenimer ses relations avec le reste du gouvernement.


Les effets de la transition écologique sur les métiers concernés “pourront être importants à court terme

Changement de paradigme économique pour l’un, environnemental pour l’autre. L’heure est à la sobriété, mais également à l’anticipation. Tout un pan du rapport Pisani-Ferry concerne les évolutions du monde du travail, avec “une réallocation relativement importante de la main-d’œuvre” sous l’effet de la transition écologique. Si le rapport souligne que la part des emplois directement impactés par la transition écologique ne représente qu’une faible part de l’emploi total, il précise néanmoins que les effets sur les métiers concernés “pourront être importants à court terme”. En cause, la concentration à quelques secteurs seulement de la majorité des émissions de gaz à effet de serre (agriculture, transport, industrie…). D’autre part, les effets de la transition écologique sur ces secteurs seront différents d’un territoire à l’autre, posant la question du rapport de chaque région à ces bouleversements. Un territoire qui concentre une part importante d’activité agricole, industrielle ou énergétique sera particulièrement soumise à des transformations majeures de son marché de l’emploi.


Les bonnes intentions sont sur la table, mais le défi de la mise en œuvre reste considérable

Au chapitre des solutions, l’auteur du rapport mentionne notamment la capacité à anticiper les effets négatifs et à accompagner les transitions. Les acteurs du secteur de la mobilité durable, parmi les premiers impactés par les effets de la transition, ne demandent que cela : le gouvernement pourrait annoncer des dizaines de plans pour la décarbonation du secteur, s’il n’y a pas d’experts des véhicules électriques, de mécaniciens pour l’entretien des batteries, de chauffeurs de trains et de RER métropolitains ou de fabricants de vélos, les effets resteront très limités. Les bonnes intentions sont sur la table, mais le défi de la mise en œuvre reste considérable.


Pendant que Jean Pisani-Ferry questionne les efforts à produire pour accompagner la transition écologique, Matignon planche sur la rédaction du “Pacte de la vie au travail”, qui vise justement à s’attaquer aux enjeux liés aux reconversions professionnelles, à la pénibilité, ou encore à l’emploi des seniors. Le tour de table des organisations syndicales et patronales s’est clôturé cette semaine, avec le sentiment que les positions des uns et des autres semblent immuables. Le 6 juin marquera d’ailleurs une quatorzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, alors que la Première ministre joue l’apaisement en laissant les partenaires sociaux “prendre la main sur les sujets de préoccupation exprimés par les salariés”. Le texte sur le partage de la valeur, qui a été présenté en conseil des ministres cette semaine, s’inscrit dans cet esprit d’ouverture en calquant son contenu sur l’accord national interprofessionnel signé par l’ensemble des syndicats, à l’exception de la CGT.


Entre l’enjeu d’apaiser le climat social et celui de prendre à bras-le-corps l’urgence climatique, les agendas ne coïncident pas toujours. Les conséquences sur l’emploi sont majeures, et appellent des décisions difficiles mais impérieuses.


Par Corentin Dattin, Consultant senior chez Chefcab


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