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  • Photo du rédacteurNicolas Citti

L'Édito "Compétences" - semaine du 05 juin 2023

Le nombre de bénéficiaires du RSA, nouveau baromètre des politiques de l’emploi ?


Les chiffres du chômage, scrutés chaque mois par le gouvernement et les observateurs politiques, constituent un baromètre incontournable de l’action politique française, et sont utilisés tantôt pour valoriser l’action d’un gouvernement, tantôt pour en dénoncer les faiblesses. Alors qu’Emmanuel Macron s’enorgueillit de la diminution du taux de chômage depuis son arrivée au pouvoir en 2017, la promesse faite dès 2012 par son prédécesseur François Hollande d’inverser la courbe du chômage lui était revenue comme un boomerang tout au long de son quinquennat, face à une stagnation irrémédiable de la courbe.


40% de ses bénéficiaires ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, ce qui rend leur retour à l’emploi particulièrement complexe, et 42% d’entre-eux sont toujours au RSA sept ans après leur première allocation.

Au-delà de cet indicateur qui façonne les politiques de l’emploi en France depuis plusieurs décennies, un autre chiffre mérite d’être regardé avec attention : celui des bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA). La France en compte actuellement 1,9 million, un chiffre qui contrairement à celui du chômage ne diminue pas depuis 2017. Synonyme d’une situation de grande précarité - le RSA s’élève actuellement à 607,75€ mensuels pour une personne seule - le RSA constitue également un vecteur d’isolement social et professionnel. En effet, 40% de ses bénéficiaires ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, ce qui rend leur retour à l’emploi particulièrement complexe, et 42% d’entre-eux sont toujours au RSA sept ans après leur première allocation.


Dès les premières annonces autour du projet France Travail il y a un an, l’attention médiatique et politique s’est rapidement portée sur la mesure visant à conditionner l’allocation du RSA à une quinzaine d’heures d’activité hebdomadaires, laissant dans un premier temps libre court aux interprétations sur la nature de ces activités. Les critiques ne se sont pas faites attendre, à commencer par l’initiateur du RSA, Martin Hirsch, qui s’est empressé de dénoncer “une régression sociale comme il n’y en a pas souvent”. Pour Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, prédécesseure d’Elisabeth Borne et d’Olivier Dussopt au ministère du travail, “Donner administrativement une occupation aux gens, ça ne marche pas” et “trouver des solutions sur mesure (...) est incroyablement difficile”


Alors, cette réforme du RSA permet-elle de “réinvestir le champ de l’insertion”, telle que justifiée par Olivier Dussopt, ou constitue-t-elle une nouvelle façon d’opposer ceux qui travaillent et “ceux qui ne sont rien” ? La réponse est sûrement plus complexe.


La conditionnalité du RSA à un temps d’activité, initialement estimé à 15 à 20 heures hebdomadaires, et qui avait fait bondir les oppositions, n’est pas mentionnée dans le projet de loi.

Une réforme du RSA semble nécessaire, au regard de la difficulté pour les allocataires de sortir de ce statut. La Cour des comptes l’a clairement indiqué dans un rapport publié en janvier 2022, en pointant une “défaillance de l’accompagnement” du système actuel du RSA. Se pose ensuite la question sensible de l’engagement demandé aux bénéficiaires du RSA. Sur ce point, le projet de loi plein-emploi, présenté cette semaine en Conseil des ministres, apporte des éléments de réponse. Ainsi, la conditionnalité du RSA à un temps d’activité, initialement estimé à 15 à 20 heures hebdomadaires, et qui avait fait bondir les oppositions, n’est pas mentionnée dans le projet de loi. Pour autant, le versement de l’allocation sera bien conditionné à un contrat d’engagement. Celui-ci fixera des échéances au bénéficiaire - à l’instar de rendez-vous avec des conseillers - qui seront cependant adaptées en fonction du profil du bénéficiaire, de la situation de l’emploi sur son territoire, et des freins sociaux auxquels il pourrait être confronté.


Afin de peaufiner sa mesure, le gouvernement a lancé des expérimentations dans 18 territoires, concernant 40 000 bénéficiaires du RSA, avec l’objectif de les généraliser à l'ensemble des bénéficiaires d’ici 2027. Les débuts ont été pour le moins chaotiques, marqués par le retrait fracassant du département de la Seine-Saint-Denis, son Président qualifiant la conditionnalité du RSA de “grave entorse à notre république”. La Métropole de Lyon, ainsi que les départements d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique, également partie prenante de l’expérimentation, ont pour leur part fixé leurs conditions, refusant notamment d’éventuelles sanctions contre les bénéficiaires du RSA et exigeant de garder la compétences des parcours des allocataires. Si ces collectivités, toutes dirigées par la gauche et les écologistes, ont fait entendre leur voix et rappelé leur opposition au gouvernement, d’autres territoires ont déjà pu lancer leurs expérimentations selon différentes modalités. Ainsi en Mayenne, l’expérimentation qui a débuté mi-avril distingue 3 catégories de bénéficiaires. Tout d’abord les allocataires en “catégorie sociale”, dans une optique de réinsertion, qui doivent réaliser au moins 6 heures par mois “d’accompagnement rénové”, comprenant des entretiens avec leurs conseillers, et des ateliers visant à lever certains freins périphériques. Ceux en catégorie “socio-professionnelle” doivent pour leur part suivre 6 heures minimum d’activité par semaine, qui peuvent prendre la forme de formations et d’ateliers thématiques. Enfin, les bénéficiaires en catégorie “emploi” ont quant à eux un minimum de 15 heures par semaine à réaliser, dans une démarche de recherche d’emploi active. S’il est trop tôt pour en mesurer les effets, l’expérimentation mayennaise semble proposer une réponse relativement individualisée en fonction du profil des bénéficiaires du RSA, loin de l’image d’une obligation de travail indifférenciée pour tous les allocataires qui avait pu être véhiculée aux prémices de France Travail.


Ainsi, la réduction du nombre d’allocataires du RSA constituera un indicateur clé pour jauger du succès de France Travail, réforme centrale de ce second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui doit également permettre d’atteindre l’objectif de plein-emploi. Paradoxalement, le projet de loi plein-emploi prévoyant l’inscription automatique de toute personne bénéficiaire du RSA à France Travail, le nombre de demandeurs d’emploi devrait mécaniquement être revu à la hausse.


Par Léa Trentalaud, Consultante Senior chez CHEFCAB




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