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  • Photo du rédacteurNicolas Citti

Il est venu le temps de la calculette..

L'Édito "Compétences" - semaine du 03 juillet 2023


Rationalisation !


Il est venu le temps de la calculette. Alors que le paquebot Bercy navigue aux portes des différents ministères pour bâtir le budget 2024 de l’État, France Stratégie et la Cour des comptes sont venues ajouter du grain à moudre au débat sur les dépenses liées à la formation professionnelle. On se souvient qu’il y a peu de temps, Bruno Le Maire avait semé la panique du côté du ministère du Travail en remettant sur la table l’idée d’un reste à charge sur le CPF, soufflant sur les braises d’un feu qui semblait quasi éteint. Dans son rapport sur la formation professionnelle des salariés publié le 30 juin, la Cour des comptes avance dans le sens du ministre de l’Économie. La juridiction financière de l’État, dont la parole est très écoutée (et suivie) par les décideurs publics, note que “la régulation de l’offre de formation ou l’instauration d’un reste à charge lors de l’achat de formations, devraient contribuer à l’amélioration qualitative du CPF”. Selon elle, l’instauration de cette dernière mesure aurait pour vertu de limiter “les achats d’impulsion” et “d’inciter les actifs à choisir des formations plus à même de sécuriser leur parcours professionnel”.


Le caractère impulsif des achats de formation via le CPF semble davantage relever d’un ressenti que d’une véritable étude étayée.

Reste à savoir ce que la Cour des comptes sous-entend par achats “impulsifs”. À ce sujet, point de détail dans le rapport. En février, une étude de la Dares auprès des Français ayant mobilisé leur CPF relevait pourtant que 8 formations financées via le CPF sur 10 poursuivaient un objectif professionnel. Le caractère impulsif des achats de formation via le CPF semble davantage relever d’un ressenti que d’une véritable étude étayée. Qu’importe, la Cour ajoute à la suite de sa recommandation, presque sous la forme d’un avertissement lancé au gouvernement : “il reste à prendre les textes d’application (...), après la phase de concertation engagée par le ministère chargé du travail”. Sur le niveau du reste à charge, la juridiction financière prend un couloir différent de Bercy et préconise de le fixer à hauteur de “5 à 10% du coût de la formation” pour ne pas créer un effet de dissuasion trop important chez les titulaires d’un CPF.


Hasard ou non du calendrier, la publication de ce rapport intervient alors que les sénateurs planchent actuellement sur l’examen du Projet de loi pour le plein emploi, qui doit entériner la création de France Travail et simplifier les relations entre acteurs de l’insertion. Un rapport de France Stratégie, organe rattaché aux services de la Première ministre, dévoilé fin de semaine dernière alimente à son tour les discussions et pointe cet enjeu essentiel de concertation des acteurs à différentes échelles. France Stratégie regrette notamment l'absence d'une “instance de pilotage concerté” qui puisse à la fois décider sur les thématiques de l’emploi et de la formation professionnelle, mais qui soit aussi en capacité “de décliner régionalement et sectoriellement les objectifs fixés au niveau national”. À l’avenir, et si les parlementaires l’acceptent, ce rôle sera endossé par France Travail à travers une transformation du service public de l'emploi et de l'insertion. Cette évolution est appelée de ses vœux par France Stratégie, qui propose une simplification des dispositifs de transition professionnelle par la suppression de deux d’entre eux, Transco et Pro-A, jugés trop complexes. Le ministère du Travail se positionne également en faveur de cette “rationalisation”, terme qui s’apprête à devenir le nouveau slogan des politiques publiques engagées rue de Grenelle.


Quinze ans après la naissance de Pôle Emploi, et alors que nos aînés l’appellent encore parfois ANPE, l’opérateur public pourrait bien conserver son nom

À défaut de rationaliser, les sénateurs veulent clarifier. Avant son passage en séance publique à partir de lundi, les résidents du Palais du Luxembourg ont fait valoir leur position sur le projet de loi plein emploi lors de son examen en commission des affaires sociales. En réponse à la crainte de voir la dénomination “Pôle Emploi” disparaître derrière la nouvelle marque “France Travail”, la rapporteure Pascale Gruny a fait modifier le texte du gouvernement par l’adoption d’un amendement optant pour le statu quo. Quinze ans après la naissance de Pôle Emploi, et alors que nos aînés l’appellent encore parfois ANPE, l’opérateur public pourrait bien conserver son nom et résister à l’envahisseur France Travail.


En régionalisant la FOAD, le Sénat souhaite une meilleure prise en compte de l’offre de formations à distance qui préexiste dans les régions (..)

Fidèle à sa réputation de représentant des territoires, le Sénat s’est également penché sur la rédaction de l’article 7 du projet de loi, qui aménage les dispositions relatives à l'intervention de l'État en matière de financement de la formation professionnelle en faveur des demandeurs d'emploi. La commission des affaires sociales a ainsi souhaité supprimer la compétence de l’État en matière de financement et d'organisation des formations ouvertes ou à distance (FOAD) de manière à éviter le “risque de négliger la spécificité des besoins de chaque territoire”, selon les termes de la rapporteure Pascale Gruny. En régionalisant la FOAD, le Sénat souhaite une meilleure prise en compte de l’offre de formations à distance qui préexiste dans les régions, afin d’éviter des doublons “préjudiciables pour les finances publiques” avec ce que l’État pourrait déployer. Décidément, la rationalisation ne touche pas que le gouvernement !


Si la commission des affaires sociales du Sénat ne s’est pas révélée être une étape de montagne trop périlleuse pour le gouvernement, il devrait en être de même pour la séance publique. Olivier Dussopt pourra endosser le maillot jaune au sortir de ce premier round, mais devra probablement avoir affaire à des adversaires plus corriaces au Palais Bourbon, nouveau faiseur de roi.


Par Corentin Dattin, consultant senior chez ChefCab




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