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Bruno Sola : "Le digital n’est pas l’alpha et l’oméga de la révolution de l'éducation"



Bruno Sola, Président du Groupe Bizness, nous livre son analyse sur la situation actuelle du monde de la formation, et sur les basculements que la crise porte en germe. Selon lui, si la plupart des organismes de formation n’étaient pas préparés pour faire face à la crise, celle-ci aura au moins une vertu : la prise de conscience quant à la nécessité de se former tout au long de sa vie.


La période de confinement a été très favorable aux formations en ligne : comment expliquez-vous cet engouement pour ce type de formations ? Pensez-vous que l’essor de la formation à distance va se poursuive ou bien s’agit-il d’une parenthèse Covid ?


Avant le début de cette crise, le monde de la formation était très divers : certaines start-up développaient l’apprentissage full-distanciel - full-digital ; d’autres, comme le Groupe Bizness, étaient convaincus que le mix pédagogique était capital, mais nous étions très minoritaires ; et, enfin, 90 % des acteurs de la formation n’étaient pas du tout digitalisés. Le Covid a rendu indispensable l’essor du digital-learning pour assurer la continuité de l’apprentissage. 


S’il est difficile de déterminer les conséquences dans la durée de cette crise, il est certain qu’elle aura permis une véritable prise de conscience sur l’existence d’alternatives efficaces pour apprendre et se former. 


Il faut en revanche savoir raison garder : le digital n’est pas le graal, ni l’alpha et l’oméga de la révolution de l’éducation ; il doit rester avant tout un outil pédagogique. Je préconise plutôt d’opter pour le blended-learning : de l’humain, car c’est indispensable dans le monde dans lequel on vit, couplé au digital. 


La crise du coronavirus a mis au jour un paysage de la formation à deux vitesses : ceux qui sont capables d’assurer la continuité pédagogique à distance et les autres. Est-ce que le monde de la formation est à un tournant de son histoire ?


Oui, très certainement. La crise du Covid-19 a mis en lumière le manque d'équipement digital. À ce propos, je ne suis pas inquiet car tout le monde va progressivement s’équiper. Pour autant, il faut être capable de garder la même capacité de former à distance. Et là c’est encore un autre défi. 


La révolution numérique est désormais en marche, mais il va falloir travailler sur deux volets : d’abord, la capacité à travailler efficacement avec les nouveaux outils, ce qui implique de former les individus à cela. Et puis, il est urgent de (re)donner du sens à l’éducation et à la formation. 


De nombreuses voix s’élèvent pour plaider en faveur d’une modernisation de l’appareil de formation en France ? Concrètement, comment on fait pour engager cette transformation ?


Il faudrait tout d’abord engager une réforme de l’Education nationale. Quelques diagnostics de maturité numérique ont été portés, mais il n’y a en vérité jamais eu de big bang visant à transformer l’éducation et les cycles de l’apprentissage. 


Il s’agirait alors de réaliser différents audits : un premier portant sur les outils et équipements numériques des élèves et des professeurs - plutôt faibles, un deuxième qui permettrait d’analyser ce qui se fait chez nos voisins européens. Enfin, il faut sans doute engager une révolution à mener sur les parcours pédagogiques. Est ce qu’on doit enseigner aujourd’hui les mêmes matières, compte tenu du fait qu’avant la crise du Covid une étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur avançait déjà que 85% des métiers à 2030 n'existeraient plus ? 


On continue à embarquer et à orienter les enfants sur des matières qui pour certaines n’ont plus de sens, pour d’autres peuvent être dépassées par la machine. Il s’agirait de consacrer du temps à ce qui va importer demain. Je pense notamment aux compétences comportementales, mais aussi à des réflexions à mener sur l’écologie, sur l’évolution de nos sociétés, etc… Je suis convaincu qu’il faut revoir cela car on est en train de former des jeunes à des compétences et connaissances qui aujourd’hui n’ont plus de sens et qui en auront encore moins demain.

Sur la formation continue, la réforme de Muriel Pénicaud a engagé une véritable modernisation des moyens et des outils. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir pour susciter une prise de conscience des individus sur la nécessité de se former tout au long de sa vie. Aujourd’hui, il y a des campagnes de communication autour de l’application “Mon compte formation”, mais je regrette qu’il n’y ait aucune campagne visant à informer des raisons pour lesquelles il faut se former. 


Par exemple, chez Airbus, à Toulouse, 20 à 30 000 emplois sont menacés par la crise actuelle. Les salariés d’Airbus n’auraient probablement pas imaginé qu’ils pourraient un jour être amenés à changer de secteur d’activité. Mais on est dans un moment d’instabilité, les révolutions numérique et écologique bousculent les métiers, et il est nécessaire de rappeler à chacun que ce n’est pas qu’aux enfants de se former, c’est aussi aux adultes, et ce tout au long de sa vie. Il faut également battre en brèche l’idée selon laquelle la formation constitue une charge et non un investissement pour l’avenir.


Selon vous, quelles pourraient être les compétences sur lesquelles les employeurs seraient amenés à miser dans la période “post-coronavirus” ? On parle beaucoup des soft-skills alors que la plupart des actifs n’y sont pas à proprement pas formés ? Est-ce une compétence prioritaire ?


Oui, et ça l’est déjà. Les compétences comportementales - les soft skills - ont toujours existé car on a besoin de l’intelligence de l’homme pour faire face à de nombreuses situations. C’est intéressant de voir que la gestion de la crise du Covid-19 varie d’un pays à l’autre, car ce sont des Hommes qui prennent les décisions. Les compétences comportementales étaient déjà valables avant, et elles seront d’autant plus importantes demain, notamment au regard de l’automatisation, de la transformation numérique qui s’est opérée, et de la fragilité du monde. Tout cela nécessite de miser sur l’humain plus que tout.


La deuxième compétence indispensable de nos jours est l’agilité numérique. Or le niveau de maturité numérique chez les Français est très faible et il faut impérativement y remédier. Ces compétences numériques n’étaient pas présentes jusqu’à présent sur les CV. Dans un livre blanc que nous avons réalisé il y a deux ans, j’ai proposé la création d’une sorte de TOEIC de la maturité numérique. Il faut mettre en place cela dès la formation initiale. 


Mais le niveau de maturité numérique des enseignants et de l’éducation pose également question. C’est pour cela que le Groupe Bizness va créer une école numérique, Teachers, qui sera dédiée aux enseignants de l’éducation et de la formation en général. Ils sont des acteurs clés de l’emploi, ce sont eux qui donnent le tempo, aussi bien en formation initiale qu’en formation continue. Mais il faut pour cela qu’on leur donne les moyens de délivrer une expérience pédagogique à haute valeur ajoutée et dans l’ère du temps. 



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