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  • Photo du rédacteurNicolas Citti

Santé au travail : la fin d’un androcentrisme ?

L'Édito - semaine du 31 juillet 2023


Santé au travail : la fin d’un androcentrisme ?


Alors qu'une étude du Cereq publiée le mois dernier pointait le plafond de verre persistant pour les femmes en termes de rémunération et de responsabilité au cours de leur carrière professionnelle, la santé semble également constituer une source d'inégalité selon un rapport alarmant du Sénat.


Pendant plus de six mois, la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité a planché sur le manque de reconnaissance de la pénibilité du travail sur les femmes et l’impact sur leur santé sous l’angle des politiques de santé publique. Auditionnant à la fois les partenaires sociaux, parmi lesquels figuraient la CGT et le MEDEF, mais aussi l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), ou encore la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la délégation sénatoriale présidée par Annick Billon (UC) a formulé 23 recommandations pour favoriser la reconnaissance de ces “maux invisibles”. Elles s’articulent autour de deux grands axes : “Penser la santé au travail au féminin” et la “Santé sexuelle et reproductive au travail : nouveau champ de conquêtes sociales pour les femmes ?”.


Il s’agit notamment de troubles musculo-squelettiques qui concernent en majorité les femmes, elles-mêmes signalant trois fois plus de souffrance psychique au travail que les hommes.

De quel diagnostic parlons-nous ? Il s’agit notamment de troubles musculo-squelettiques qui concernent en majorité les femmes, elles-mêmes signalant trois fois plus de souffrance psychique au travail que les hommes. Aussi, deux femmes sur 10 ont subi au moins un fait de violence dans l’exercice de leur fonction. En outre, ​​le rapport met en évidence les risques encourus par les femmes dans les métiers du soin et du nettoyage. Le travail de nuit accroît le risque de cancer du sein, et les professionnelles du nettoyage sont exposées à plusieurs agents cancérogènes.


En rappelant que “différencier n’est pas discriminer”, le Sénat suggère de développer et d’adapter la prévention des problèmes de santé subis par les femmes

Les rapporteures appellent à une reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en tant que maladies professionnelles, ainsi qu'à une révision des critères de pénibilité. Une stratégie nationale intégrée pour la santé des femmes est préconisée, avec des mesures pour assurer un environnement de travail sûr et équitable. En rappelant que “différencier n’est pas discriminer”, le Sénat suggère de développer et d’adapter la prévention des problèmes de santé subis par les femmes en ciblant davantage les pathologies menstruelles, la grossesse, l'assistance médicale à la procréation ou encore la ménopause.


Concrètement, le Sénat suggère de porter des “lunettes genrées” et d’adopter une approche de la prévention en matière de santé différente selon le genre. En effet, les rapporteures proposent de développer l’exploitation de données sexuées croisées et de faire appliquer par les employeurs l’obligation d’un cadre légal d’évaluation des risques professionnels genré. Un axe fort que les parlementaires suggèrent d’inscrire dans le prochain Plan santé au Travail (2026-2030). Coïncidence ? Il s’agit justement de l’un des objectifs opérationnels figurant dans l’axe 2 “Renforcer l’accès des femmes à la santé” du Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2023 – 2027). Il prévoit d’intégrer la question du genre dans le cadre du Plan santé au travail et de développer une offre de services de l'ANACT sur la question des grossesses au travail. Le plan interministériel projette également une information des femmes par les services de santé au travail sur le dépistage des cancers féminins et la consultation de prévention à 45 ans abordant la ménopause. Mais comment nourrir ces travaux dès lors que les données sexuées sont encore insuffisamment exploitées ? La direction générale du travail et la CNAM ont en effet porté les bonnets d’âne au cours des auditions puisque le Sénat a précisé que ces institutions n’étaient pas en mesure d’exploiter ces données épidémiologiques.


La chambre haute constate que seulement 23% de femmes sont concernées par le compte professionnel de prévention (C2P).

Plaidant la fin de la focalisation sur “l’homme moyen”, la chambre haute constate que seulement 23% de femmes sont concernées par le compte professionnel de prévention (C2P). Pourtant, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, vantait une amélioration de la prise en compte de la pénibilité notamment avec des modes de calcul du C2P assouplis et le déplafonnement des points du C2P dans le cadre de la réforme des retraites. Une équation périlleuse pour l’exécutif alors même que la réforme des retraites, adoptée le 14 avril dernier, a suscité de vives critiques quant à son impact sur les femmes. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT et alors pilote du collectif Femmes-Mixité de l’organisation syndicale, ne mâchait pas ses mots « Pour vendre sa réforme, le gouvernement a encore essayé d’instrumentaliser les femmes ». Partant du postulat que la réforme des retraites fragiliserait les plus précaires, la CGT pointait en particulier les femmes “qui sont déjà 40 % à partir à la retraite avec une carrière incomplète et 30 % à travailler à temps partiel”.


Ainsi, les rapporteures issues d’horizons politiques diverses (Communiste, UC, LR et socialiste) ouvrent un débat nécessaire dont les recommandations pourraient s’immiscer dans le cadre des prochains textes législatifs.


L’ancienne présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée Aurore Bergé, fraîchement nommée ministre des Solidarités, abordera-t-elle cette thématique dans le cadre de sa feuille de route ? A moins qu'elle ne s'immisce au menu des négociations dans le cadre du pacte de la vie au travail.


Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB


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