Élisabeth Borne l’avait annoncée dans sa feuille de route en avril dernier, le ministère du Travail et Régions de France l’ont confirmée et précisée : la nouvelle saison du Plan d’Investissement dans les Compétences sera disponible début 2024, pour une durée de 4 ans. Une bonne nouvelle pour les acteurs du paysage de la formation et de l’emploi, qui disposent désormais d’une vision plus claire sur les ambitions du gouvernement.
Depuis plusieurs mois, le ministère du Travail et Bercy discutent du montant de l’enveloppe allouée par l’État au PIC, retardant les annonces sur ses contours. Cette question budgétaire était d’ailleurs le point d’attention majeur des acteurs du secteur, à l’heure où le ministère de l’Économie affichait ouvertement son souhait d’imposer plusieurs milliards d’euros de réduction de dépenses aux ministères. L’enveloppe de 4 milliards d’euros annoncée conjointement par Olivier Dussopt et Régions de France est bien loin des 15 milliards du premier volet du PIC, certes. Pour autant, ce second volet du Plan d’investissement dans les compétences confirme que la formation et l’emploi continueront de figurer au premier rang des priorités du quinquennat.
"Ce différentiel de moyens alloués s'explique par plusieurs facteurs."
D’abord, depuis 2019, l’appareil de formation tricolore s’est très largement modernisé, à marche forcée en raison de la crise du COVID, et ne se trouve donc pas aujourd’hui au même niveau de maturité que lors du lancement du premier PIC. D’autre part, le taux de chômage de 2019, proche des 9% au premier trimestre, a diminué jusqu’à atteindre 7% en août dernier. Enfin, un dispositif tel que le CPF, qui s’est largement démocratisé ces dernières années auprès des actifs et demandeurs d’emploi désireux de se former, s’ajoute aux financements publics vers la formation dont le PIC fait partie.
L’annonce conjointe d’Olivier Dussopt et de François Bonneau, président de la commission formation et emploi de Régions de France, laisse désormais place aux discussions entre chacune des régions et l’État pour aboutir à la signature des futurs Pactes régionaux d’Investissement dans les compétences (PRIC), déclinaisons territoriales du PIC. Si en réalité les échanges ont démarré depuis plusieurs semaines, ceux-ci vont désormais se faire sur la base d’un cadre validé par le ministère et par l’organisation représentative des régions. Dès lors, plusieurs interrogations et enjeux entourent les futurs PRIC, dont les signatures sont souhaitées pour décembre.
En premier lieu, quelles régions se saisiront de cette compétence ? Lors des négociations entre l’État et les Conseils régionaux pour la signature des premiers PRIC en 2018, les régions Auvergne Rhône-Alpes et Sud n’avaient pas souhaité s’engager, laissant la gestion du PRIC à Pôle emploi. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côtes d’Azur, avait finalement rattrapé le train en marche en 2021, en partageant la gestion du PRIC avec Pôle emploi. Quant à Laurent Wauquiez, son opposition politique à Emmanuel Macron avait eu raison d’un accord sur le PRIC. En cet automne, les négociations reprennent avec chacun des exécutifs régionaux, laissant planer un doute sur les équilibres actuels qui pourraient évoluer.
"Si toutes les régions ayant “pactisé” en 2018 devraient de nouveau se saisir du PIC, cela n’était pas une évidence il y a quelques semaines, certains présidents de région hésitant encore à y prendre part."
L’interrogation pèse surtout sur les choix à venir des régions AURA et Sud, qui pourraient opter pour une décision différente d’il y 5 ans.
L’autre enjeu autour de ces futurs PRIC concerne le fléchage des financements et les publics prioritairement ciblés. Intimement liée au projet de loi pour le plein emploi actuellement discuté par les députés, la pérennisation du PIC a vocation à jouer un rôle clé pour accompagner le retour à l’emploi des personnes très éloignées. Surtout, ce nouveau plan d’investissement devrait corriger les défaillances pointées dans le rapport d’évaluation du premier PIC, qui soulignait une “cohérence inaboutie” entre les différents instruments de formation au niveau régional.
"Le ministère du travail, en phase avec les objectifs poursuivis par France Travail, souhaite ainsi que ce PIC 2024-2027 soit davantage suivi d’effets sur l’emploi dans les régions."
Il devra également être plus efficace auprès des publics les moins qualifiés : le comité d’évaluation du PIC avait clairement notifié que “la hausse des entrées en formation constatée n’a pas bénéficié particulièrement aux moins diplômés”. Un caillou dans la chaussure du ministère du Travail, pour un dispositif dont l’objectif est justement d’améliorer l’employabilité des personnes les plus en difficultés pour s’insérer dans l’emploi. Les prochains PRIC devront corriger le tir.
Enfin, cette deuxième saison du PIC sera-t-elle la dernière ? En 2027, Emmanuel Macron quittera son fauteuil présidentiel, laissant place à une nouvelle équipe dont les priorités sur le front de l’emploi pourront être différentes. Par ailleurs, le gouvernement actuel le répète à l’envie : la France aura atteint le plein emploi d’ici la fin du quinquennat, soit un niveau de chômage “incompréhensible” qui ne nécessiterait plus le même niveau d’investissement en direction des personnes très éloignées de l’emploi. Mais à l’heure des comptes en 2027, le gouvernement aura surtout un œil attentif sur les résultats de ce second volet du PIC sur l’emploi. Charge désormais aux régions, en lien avec le futur opérateur France Travail, de transformer l’essai !
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