- Alexandra Gaboriau
Passe d'armes musclée à la REF
L'Édito - Semaine du 28 août 2023
Si la grand-messe annuelle du MEDEF s'est réunie à l'Hippodrome de Longchamp à Paris en ce début de semaine pour discuter des grandes orientations économiques, sociales et environnementales des entreprises, le patronat a d’entrée de jeu abordé le sujet qui fâche : le report de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE). Et pour cause, Bruno Le Maire avait annoncé jeudi dernier en Haute-Savoie le report de la suppression de cet impôt de production, une annonce confirmée par la Première Ministre, qui a rappelé à l’occasion de la REF 2023 que la totalité de la CVAE sera supprimée avant la fin du quinquennat. Pourtant, la Première Ministre avait inauguré l’université d’été du Medef avec des éléments de langages bien rodés : “Depuis 2017, nous menons une politique pro-business parce que nous sommes convaincus que c’est bon pour notre pays, bon pour ses salariés, [puisque] le chômage est au plus bas depuis 40 ans”. Une déclaration d’amour envers les entreprises qui n’a pourtant pas complètement produit l’effet escompté. Pour Thierry Derez, directeur général de Covéa, leader mondial dans le secteur de l’assurance, le rapport de confiance qu'entretient le patronat avec la puissance publique a été “ignoré”. Patrick Martin, nouvelle figure de proue du Medef, affirme quant à lui qu’il s’agit avant tout d’un “problème de principe” voire “d'un coup de canif”, dans une interview au Figaro dimanche dernier. Coup dur pour le patronat qui doit dorénavant faire face à un revirement de situation et adapter sa politique fiscale, alors que les entreprises espéraient un arrêt de la CVAE dès 2024.
(...) la Première Ministre, [...] a rappelé à l’occasion de la REF 2023 que la totalité de la CVAE sera supprimée avant la fin du quinquennat
Au rang des inquiétudes encore, la multiplication des arrêts maladies que Patrick Martin n’a pas hésité à souligner lors d’un micro tendu à la presse le 29 août. À cette occasion, celui-ci a rappelé son inquiétude de voir mis à la charge des entreprises certains arrêts maladie dont “elles ne sont essentiellement pas responsables” et dont les coûts pourraient plutôt être redirigés vers le financement hospitalier et la politique pharmaceutique, selon ses dires. Une déclaration manquant de subtilité et qui a amené à une réponse de la Première Ministre, rappelant alors le devoir d’unité dans ces circonstances : "Nous devons ensemble - médecins, assurance maladie, gouvernement, employeurs, salariés - trouver la façon de contenir ces dépenses. Mais en tout cas, il n’y aura pas une décision unilatérale qui tomberait sur les entreprises.“
En ce qui concerne l'utilisation des excédents futurs de l'Unédic, le désaccord s'est creusé entre les deux parties. Alors que Patrick Martin a exprimé des réserves sur le projet gouvernemental de flécher une partie de ces excédents vers le financement de politiques publiques - plutôt que vers une baisse des cotisations chômages -, la Première ministre a défendu l'idée que ces subsides devraient soutenir la formation des demandeurs d'emploi et l'amélioration de leur accompagnement, en particulier dans le cadre de France Travail.
Dans un discours teinté d'ambition, Patrick Martin a alors annoncé qu'une "mobilisation générale de nos entreprises" était à l'horizon, destinée à étendre leur rôle au-delà de leurs initiatives actuelles. Promettant un engagement plus fort dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi vers des postes et dans leur formation continue. Cependant, Élisabeth Borne n’a pas manqué de partager son scepticisme quant à l'importance de la tangibilité des bénéfices, rétorquant : "Les statistiques, c'est bien, les résultats concrets, c'est encore mieux."
En outre, c’est sur le thème “Métro, boulot, ma non troppo !” que le ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion est intervenu à Longchamp entouré de Pierre-André de Chalendar, président de l'Institut de l'Entreprise, Marylise Léon, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Raymond Soubie, président du Groupe Alixio et Samuel Tual, président d’Actual Leader Group, vice-président du Mouvement des entreprises de France (Medef). Au menu des discussions, non pas “l'emploi” mais bien le rapport au “travail" dont le Ministre espère obtenir des accords interprofessionnels sur la nouvelle place qu’il occupe dans la vie des Français. À cette occasion, le Ministre a rappelé l’utilité du dialogue social de proximité puisque le gouvernement est formel : “Il n’y aura pas de nouveau débat sur le temps de travail légal, (...) nous savons qu’il est fixé et que les choses peuvent être adaptées”. Marylise Léon (CFDT) a ensuite évoqué la place centrale qu’occupent les managers “On ne fera pas de révolution du Travail sans révolutionner le management” plaidant pour “changer de lunettes” et “mettre de côté les tableaux excels”.
À cette occasion, le Ministre a rappelé l’utilité du dialogue social de proximité
En cette rentrée, l’agenda social s’annonce mouvementé avec les discussions qui s’ouvrent autour du Pacte de la vie au travail qui abordera plusieurs aspects : l'emploi des seniors, le compte épargne temps universel, les parcours professionnels, l'usure professionnelle et enfin les reconversions. Dans la même lignée, une conférence sociale a été promise par le Président de la République lors de sa rencontre à huis-clos avec les chefs de partis à Saint-Denis hier. Celle-ci a, par ailleurs, été accueillie favorablement par la CFDT : « Avoir un temps partagé pour discuter le sujet du pouvoir d'achat entre pouvoir public, organisations syndicales et patronales me semble intéressant » déclarait sa porte-parole, Marylise Léon. Portant exclusivement sur les carrières et les branches situées sous le salaire minimum, son calendrier n’a cependant pas été précisé. L’agenda politique ouvre également une nouvelle séquence puisqu’en ce vendredi 1er septembre, la réforme des retraites, qui décale l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, entre en vigueur.
Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB