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  • Photo du rédacteurNicolas Citti

L'Édito "Compétences" - semaine du 29 mai 2023

La semaine de 4 jours : Travailler moins pour travailler mieux



Si dans l’imaginaire collectif des Français, “le lundi au soleil, c’est une chose que l’on aura jamais”, le passage à la semaine de quatre jours commence à faire son petit bout de chemin depuis plusieurs années en Europe, avec de nombreuses expérimentations menées au Royaume-Uni, en Belgique ou encore en Espagne. Loin d’avoir entamé un véritable tour de France, la semaine de quatre jours éveille petit à petit la curiosité des Français qui doivent, désormais, reconsidérer la durée de leur carrière depuis l’adoption laborieuse de la réforme des retraites.


Pourtant, le débat relatif à la réduction du temps de travail n’est pas un phénomène récent en France. Il est d’ailleurs intrinsèquement lié à d’importants événements politiques marqués par l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, qui avait impulsé le passage du temps de travail de 40h à 39h par semaine. Instauré en l’an 2000 par le Premier Ministre Lionel Jospin - qui avait confié le dossier à sa collègue Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité - la semaine de 35 heures s’est ensuite généralisée. Ces dernières années, le passage d’une semaine de travail de 5 à 4 jours n’a pas encore fait l’objet d’une grande émulation de la part des pouvoirs publics. Toutefois, alors que le gouvernement a lancé en décembre dernier les “Assises du Travail”, une mesure forte préconisait “d'évaluer les organisations alternatives des temps de travail, notamment les différents types de semaines de quatre jours", dans le public comme dans le privé.


Le temps n’est donc plus au slogan “travailler plus pour gagner plus” comme le martelait l’ancien chef d’Etat, Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne présidentielle en 2007, mais à la formule “travailler moins, pour travailler mieux”.

Le temps n’est donc plus au slogan “travailler plus pour gagner plus” comme le martelait l’ancien chef d’Etat, Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne présidentielle en 2007, mais à la formule “travailler moins, pour travailler mieux”. Avec une vigilance accrue sur la prévention des risques psychosociaux au travail, le bien-être du travailleur est devenu une condition sine qua non pour obtenir des gains de productivité en faveur de l’entreprise.


34% des salariés qui télétravaillent au moins trois jours par semaine souffrent en réalité de solitude.

Cependant, le passage à la semaine de quatre jours doit être envisagé avec des pincettes. En effet, il engendre une compression du temps de travail, et donc du volume horaire quotidien, ainsi qu’une réorganisation managériale importante. Lors d’un entretien accordé à TF1 au mois d’avril dernier, l’économiste Stéphane Carcillo affirmait que "les effets seraient très hétérogènes selon les secteurs (...) si tout le monde [était] logé à la même enseigne, les risques pour l'économie seraient très importants".


Alors qui est concerné ? Les métiers “télétravaillables” en première ligne ? Ou bien les autres catégories de métiers qui auraient une revanche à prendre après la longue séquence du Covid ayant favorisé la flexibilité des cadres ? Une récente étude IFOP mesurant le baromètre des Français face à la solitude publiée en 2022 montrait que 34% des salariés qui télétravaillent au moins trois jours par semaine souffrent en réalité de solitude.


Si la semaine de quatre jours a relativement bonne presse dans le secteur privé, le secteur public se montre déjà sceptique à ce sujet.

Franck Morel, ancien conseiller social du Premier ministre Edouard Philippe, désormais avocat associé chez Flichy Grangé Avocats, alertait quant à lui sur la nécessité d’accorder un cadre de négociation collective avec toutes les parties prenantes de l’entreprise, dans un entretien accordé à Arte pour l’émission 28 minutes. En effet, la semaine de quatre jours peut rapidement engendrer des phénomènes d’usure, un allongement des journées pouvant soulever d’autres problèmes de pénibilité et un risque supplémentaire lié à la fatigue. En outre, «La semaine de quatre jours n'est pas un sujet sur lequel les entreprises se posent beaucoup de questions juridiques, et pourtant ce changement n’est pas sans conséquence» précisait-il.


Si la semaine de quatre jours a relativement bonne presse dans le secteur privé, le secteur public se montre déjà sceptique à ce sujet. C’est dans cette dynamique que le gouvernement a donc timidement engagé une expérimentation “sur le bien-être au travail” des agents de l’Urssaf de Picardie en début d’année 2023. Anne-Sophie Rousseau, la directrice adjointe de l’URSSAF Picardie, a cependant constaté des résultats mitigés, puisque seules trois salariées y ont adhéré parmi les presque deux cents collaborateurs éligibles, les autres préférant rester sur leur rythme de travail d’origine.


La semaine de quatre jours pourrait-elle être considérée comme un levier d’attractivité pour les métiers en tension ? C’est ce qu’affirme Nicolas Schmit, Commissaire européen à l'Emploi et aux Droits sociaux. Dans la même lignée, Pierre Larrouturou, député européen (S&D), et grand partisan du partage du temps de travail et en particulier de la semaine de 4 jours, considère cette solution comme positive pour l’emploi et pour financer les retraites. Alors si “ à chaque fois c'est pareil, c'est quand on est derrière les carreaux, quand on travaille que le ciel est beau”, une réflexion à grande échelle sera sans doute un passage obligé pour bien mesurer l’impact et les effets de bord d’une telle mesure, qui porte en germe une profonde transformation de notre rapport au travail. Le Pacte sur la vie au travail constitue l’occasion toute trouvée pour ouvrir le débat.


Par Alexandra Gaboriau, Consultante chez CHEFCAB

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