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  • Photo du rédacteurNicolas Citti

L'Édito "Compétences" - Semaine du 17 avril 2023

Emmanuel Macron mise sur la question du travail pour relancer son quinquennat



Vendredi 14 Avril dernier, les sages du Conseil constitutionnel ont entériné la réforme des retraites. Adoptée dans le cadre d’un Projet de Loi de Financement Rectificative de la Sécurité Sociale (PLFRSS), le 20 mars dernier, via l’usage controversé de l’article 49 alinéa 3, ce texte a engendré des débats houleux et une contestation sociale de grande ampleur au cours des dernières semaines.


Le Conseil constitutionnel a validé la mesure phare - également la plus contestée - de recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, permettant au chef de l’Etat de promulguer la loi dans la foulée. Néanmoins, plusieurs volets ont été retoqués, notamment ceux portant sur l’emploi des seniors. En effet, pour ce qui est de l’index et du CDI senior, qui devaient compenser la mesure d’âge en favorisant l’emploi des 55-64 ans, les sages ont estimé que le véhicule législatif utilisé n’était pas approprié. Le Conseil constitutionnel a argué de l’absence d’impact direct de ces mesures sur les comptes de la sécurité sociale 2023 pour justifier sa censure. Les deux dispositifs étaient pourtant présentés par l’exécutif comme des incitations pour les entreprises à maintenir les seniors en emploi, et constituaient un aspect important en faveur de l’équilibre de la réforme.


Tout en reconnaissant la “colère” sociale, et le fait que la réforme n’avait “pas été acceptée”, le chef de l’Etat a insisté sur son caractère “nécessaire”

A l’occasion de son allocution télévisée lundi soir, le Président de la République a tenté de clore la séquence des retraites, en fixant un cap pour “les cent prochains jours”. Tout en reconnaissant la “colère” sociale, et le fait que la réforme n’avait “pas été acceptée”, le chef de l’Etat a insisté sur son caractère “nécessaire” et rappelé la validation du Conseil constitutionnel. Emmanuel Macron a ensuite ouvert trois grands chantiers qui devront guider l’action du gouvernement au cours des prochains mois. Le premier est celui de l’emploi avec un “nouveau pacte de la vie au travail”, qui devra aborder les questions de rémunération, du mieux vivre au travail, des reconversions, des évolutions de carrières, mais aussi de l’emploi des seniors. Ce pacte, qui devra selon le Président être construit “dans le dialogue social”, doit également permettre à l’exécutif de remettre les syndicats autour de la table, et de plancher à nouveau sur l’emploi des seniors, suite au rejet des mesures en la matière par le Conseil constitutionnel. L’intersyndicale lui a pour le moment opposé une fin de non-recevoir, en refusant toute rencontre a minima jusqu’au 1er mai. Le projet de loi plein-emploi, qui sera présenté d’ici à l’été, devrait constituer un premier véhicule législatif au service de la mise en œuvre de ce pacte. Au menu de ce texte, la création de France Travail, dont le rapport Guilluy présenté cette semaine a dessiné les contours, ainsi que la réforme du lycée professionnel, qui doivent tous deux contribuer à l’objectif central du gouvernement, celui d’atteindre le plein-emploi d’ici 2027.


Emmanuel Macron a fixé comme troisième chantier celui du “progrès pour mieux vivre”, qui passe principalement par la refondation de l'École (..)

Le deuxième chantier fixé par le Président est celui “de la justice et de l’ordre républicain et démocratique”, qui vise notamment à recruter davantage de magistrats et d’agents pour améliorer le fonctionnement de la justice, de lutter contre toutes les fraudes, et de renforcer le contrôle de l’immigration illégale.


Enfin, Emmanuel Macron a fixé comme troisième chantier celui du “progrès pour mieux vivre”, qui passe principalement par la refondation de l'École, avec l’objectif affiché de faire de l'Éducation Nationale à la française la meilleure d’Europe. L’atteinte de cet objectif passera notamment par une meilleure rémunération des enseignants, qui devrait se traduire par un “pacte salarial” permettant aux enseignants volontaires pour effectuer de nouvelles missions de gagner plus. A ce stade, les premières concertations ont tourné court, avec un front uni du côté des syndicats enseignants contre la mesure. Enfin, la santé doit également constituer un axe prioritaire de ce troisième chantier. Le Président a ainsi évoqué l’amélioration de l’accès aux médecins traitants pour les patients atteints de maladies chroniques, ou encore le désengorgement des services d’urgences.


Pour ce qui est de la méthode, Emmanuel Macron a mentionné le Conseil National de la Refondation (CNR) et ses déclinaisons locales, bien que les effets concrets de ces concertations lancées en septembre dernier peinent pour le moment à se faire jour. La Première Ministre devrait détailler la feuille de route de ces trois grands chantiers la semaine prochaine, et un premier bilan en sera fait au 14 juillet.


Pour l’historien Pierre Rosanvallon, pourtant connu pour ses prises de position modérées, l’allocution du Président n’a “mis aucun frein” à la “pente glissante” sur laquelle le pays est engagé depuis plusieurs semaines.

Face à une contestation sociale massive, les annonces faites par le chef de l’Etat, dans la lignée des politiques déjà mises en œuvre par l’exécutif, ne semblent pas avoir convaincu les observateurs, au-delà des rangs de la majorité. Les leaders syndicaux ont été particulièrement critiques vis-à-vis de l’intervention du Président, la jugeant “désincarnée” pour Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, son homologue de la CFDT Laurent Berger estimant pour sa part qu’elle n’apportait “rien de concret”. Pour l’historien Pierre Rosanvallon, pourtant connu pour ses prises de position modérées, l’allocution du Président n’a “mis aucun frein” à la “pente glissante” sur laquelle le pays est engagé depuis plusieurs semaines. Selon lui, avec la décision du Conseil Constitutionnel et la promulgation de la loi, “la lettre de la constitution est respectée, mais l’esprit en est bafoué”. Ce dernier désigne même la période actuelle comme “la crise démocratique la plus grave que la France ait connu depuis le conflit algérien”.


Alors que les derniers déplacements d’Emmanuel Macron, en France comme à l’étranger, ont été ponctués de perturbations, le traditionnel défilé du 1er mai organisé par l’intersyndicale pourrait bien se transformer en nouvelle démonstration de force contre le recul de l’âge de départ à la retraite. La “fête du travail” fera ainsi office de nouveau test pour l’exécutif, et devrait donner le ton des prochains mois sur le plan social.


Par Léa Trentalaud, Consultante senior chez CHEFCAB





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