L'Édito - semaine du 17 juillet 2023
100 jours plus tard : l’apaisement se fait attendre au sommet de l’Etat
Alors que le cap des 100 jours qu’il avait lui-même fixé est arrivé à échéance, Emmanuel Macron se fait discret. Pas de traditionnelle interview du 14 juillet, mais une “prise de parole” promise et qui se fait toujours attendre. Tout juste le Président a-t-il confirmé mardi, du bout des lèvres, sa Première Ministre pour “assurer la stabilité et le travail de fond”, ajoutant que “l’objectif des 100 jours avait été tenu”, sans étayer davantage ses propos. Ce maintien d’Elisabeth Borne à la tête du gouvernement semble d’ailleurs plus pragmatique qu’affectif, la communication de l’Elysée sur le sujet ayant été pour le moins laconique. Du côté de Matignon, l’impatience s’est fait ressentir, alors que la nomination du nouveau directeur de cabinet de la Première Ministre a été annoncée avant même la confirmation de cette dernière à son poste. Ce manque de coordination entre l’Elysée et Matignon, tout comme la longue attente avant l’annonce du remaniement plusieurs fois repoussée, laissent la porte ouverte aux spéculations sur les désaccords supposés entre le chef de l’Etat et la cheffe du gouvernement.
(..) Jean-Denis Combrexelles a gravité tout au long de sa carrière au sein des institutions publiques, avec une forte inclination pour les sujets relatifs au travail.
Si Aurélien Rousseau, jusqu’alors Directeur de cabinet de la Première Ministre, a fait une entrée fracassante au ministère de la Santé, passant de l’ombre à la lumière, son successeur Jean-Denis Combrexelles a pris ses quartiers rue de Varenne. Loin d’être novice, ce dernier connaît parfaitement les rouages de l’Etat. Âgé de 69 ans, et jusqu’à présent Directeur de cabinet du Garde des Sceaux, Jean-Denis Combrexelles a gravité tout au long de sa carrière au sein des institutions publiques, avec une forte inclination pour les sujets relatifs au travail. Ainsi, entre 2001 et 2006, il a occupé le poste de Directeur des relations au travail, avant d’être nommé Directeur général du travail jusqu’en 2014, puis Président du Haut-Conseil du Dialogue Social. Ligne supplémentaire à son CV tourné vers l’emploi, il a donné son nom à un rapport publié en 2015 sur la négociation collective, le travail et l’emploi. Salué à droite comme à gauche pour ses qualités intellectuelles par ceux qui l’ont côtoyé au cours de sa longue carrière, sa nomination permet à l’exécutif d’envoyer plusieurs signaux. Celui d’un gouvernement toujours tourné vers l’objectif de plein-emploi, plaçant le travail au cœur de sa feuille de route. Celui ensuite d’un gouvernement attaché au dialogue social, tendant de nouveau la main aux partenaires sociaux.
(..) Les chantiers d'ampleur pour atteindre le plein-emploi ne manquent pas, à commencer par la prolongation du Plan d’Investissement dans les Compétences, sous une forme restant à définir.
Cependant, cette priorité apparente portée à l’emploi se voit quelque peu contredite par les chiffres. Bercy a en effet demandé au Ministère du travail de se serrer la ceinture, avec une baisse de 600 millions d’euros pour la mission “travail emploi”. Alors que le Ministère du Travail doit déjà composer avec le déficit de France Compétences, alimenté par le boom du CPF et l’explosion de l’apprentissage, ce plafonnement de son budget vient complexifier les calculs rue de Grenelle. Pourtant, les chantiers d'ampleur pour atteindre le plein-emploi ne manquent pas, à commencer par la prolongation du Plan d’Investissement dans les Compétences, sous une forme restant à définir. La poursuite du développement de l’apprentissage est également à l’ordre du jour, pour atteindre le million d’apprentis par an souhaité par le chef de l’Etat, bien que France Compétences ait annoncé une diminution budgétaire de 5% des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage à partir de septembre, pour réaliser des économies à hauteur de 540 millions d’euros. Mais c’est bien France Travail, devant permettre un meilleur accompagnement des personnes éloignées de l’emploi, qui est présenté comme l’outil principal au service du plein-emploi, en témoigne le projet de loi éponyme qui doit en assurer le déploiement. Amendé et adopté en première lecture au Sénat, et devant arriver sur les bancs de l’Assemblée nationale à l’automne, ce projet de loi devait être co-rapporté par Paul Christophe (Horizons) et Marc Ferracci (Renaissance). C’était sans compter sur le retrait de ce dernier, pointé du doigt par une enquête du média Blast, relayée par des députés d’opposition.
Selon le média d’investigation, la loi plein-emploi pourrait placer le député en situation de conflit d’intérêt, ce dernier étant actionnaire du groupe Alpha - présidé par son père - et opérant pour le compte de Pôle Emploi, à travers un partenariat noué avec le groupe Aksis. Blast pointe ainsi les bénéfices financiers que pourrait tirer le député, face à l’augmentation potentielle de l’activité du groupe Alpha, liée à la création de France Travail. Malgré ses dénégations - le député ayant indiqué que le groupe Alpha n’opérait plus pour Pôle Emploi depuis 2016 - ce dernier a fini par se retirer pour éviter de “perturber l’examen du texte”. C’est la députée Renaissance Christine Le Nabour qui a été nommée co-rapporteure en lieu et place de Marc Ferracci. Une situation dont l’exécutif se serait bien passé, jetant le trouble sur un pilier de la majorité, également très proche du Président de la République, et affaiblissant le portage politique d’une réforme primordiale de ce second quinquennat.
A défaut de prise de parole officielle, Emmanuel Macron a égrainé quelques priorités pour l’année à venir lors d’une réception de sa majorité mercredi soir au ministère des relations avec le Parlement. Il a ainsi appelé les parlementaires à faire preuve “d’unité, de dépassement et d’audace”. Reste à savoir comment ce mot d’ordre sera interprété, après une année marquée par une polarisation des débats parlementaires, et une utilisation massive du 49.3.
Par Léa Trentalaud, Consultante senior chez CHEFCAB
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